URGENCES
J’veux ma femme. Point barre.
Pendant des heures j’ai entendu la voix rugir à intervalles réguliers, au loin des cris puis des coups sourds, mais aussi et surtout de longs silences, parfois des gémissements derrière la paravent qui me séparait de mon compagnon d’infortune, des allées, des venues, la porte du box N° 8 qui s’ouvre, qui se ferme, le silence, l’attente.
Dès l’arrivée aux urgences, j’avais été invité à m’allonger sur un brancard puis l’infirmière m’avait masqué. Moi, par contre je ne voulais pas ma femme, plus exactement je ne voulais pas qu’elle perde des heures à m’attendre, je chargeai donc l’infirmière de lui faire entendre raison et dites-lui bien que j’ai une petite chance de m’en sortir, euh non ne lui dîtes pas ça, elle resterait.
Avait alors commencé la course folle du chariot dans un dédale de couloirs, de ma position j’apercevais un étrange ballet de blouses blanches, je croisais des perfusions, des regards hagards, des regards perdus, des regards perplexes des couvertures dorées, des bouches édentées, des ordres fusaient, des gémissements diffusaient, des cris refusaient, il y avait des stoïques, des apeurés, des blasés, des allongés, des assis, des debouts, des solitaires .
Le masque faisait de l’effet, on me regardait d’un drôle d’air, moi qui en manquais et, privilège dû à ma drôle de toux, j’eus droit à un box et un seul compagnon d’infortune dont je ne fis qu’apercevoir en entrant le visage tuméfié.