BONNE ANNEE
J’ai
longuement sonné à l’interphone, j’ai appelé sur ton téléphone puis j’ai à
nouveau pressé le bouton avec insistance comme pour te faire apparaître, génie
improbable. Forcément que tu es là, qu’est-ce que tu pourrais faire d’autre une
fois terminée ta journée organisée entre l’orthophoniste, le kiné, l’aide
ménagère, les activités avec l’association, encore une journée sans pouvoir
mettre des mots sur tes émotions, tes doutes, tes peurs, tes joies, tes colères,
hein mon grand, une fois que l’obscurité a posé son manteau de silence, dans
quel autre endroit pourrais-tu être ?
Pourtant de
sonnette lasse, je m’éloigne, rendu perplexe par cette absence de réponse. Qui
viendrait ainsi te chercher un modeste et anonyme lundi d’hiver, je sais que
Papa t’a raccompagné vers 14 heures, que tu avais un rendez-vous avec ta
conseillère. Je sais que tu es là , forcément.
Je suis à
quelques mètres quand il me semble entendre cette voix qui n’est pas tout à
fait la tienne, cette drôle de façon que tu as d’extirper quelques mots épuisés par un long et tortueux
chemin, je reviens en courant, enfin n’exagérons rien, vers ces Allos de
lumière qui me rassurent définitivement.
Je décline,
oui, mon identité, un AH fort et heureux vient me percuter le tympan ou ce
qu’il en reste.
J’arrive à ton appartement, la porte grande ouverte
m‘invite à entrer. Tu surgis nu comme un verre vide, corps lourd et massif.
C’était donc
çà, en pleine opération d’effeuillage, enfermé dans ta salle de bain tu
n’entendais pas les coups de sonnette et de téléphone, une mimique bien sentie,
un geste pour bien me faire comprendre ce que j’interromps et tu retournes
continuer la délicate opération de mise en pyjama.
En te
souhaitant une bonne année pendant que tu poses de gros bisous sur mes joues et
que tu m’enserres généreusement de ton bras valide, je songe aux épreuves que
tu as traversées et à celles qui t’attendent et ces drôles de mots, une bonne année mon grand, résonnent étrangement à mon cœur.