RENCONTRE
D’abord deux
coups frappés à la porte du bureau, comme des coups de semonce, impérieux. Il
est entré colosse fragile sur ses jambes fatiguées par la route et l’alcool.
Toute sa vie
dans un sac à dos qu’il peinait à porter et qu’il eut encore plus de difficulté
à enlever, la périlleuse manoeuvre le déséquilibra d’abord vers l’arrière avant
qu’un sursaut désespéré vers l’avant ne le propulse directement sur une chaise presque
surprise de se trouver là.
Ses mots
connaissaient les mêmes chemins de traverse, chemins chaotiques et douloureux,
mots exsudant la méfiance des ordres établis.
Les vêtements témoignaient, sollicitant tous mes sens, du chemin parcouru , les mains
étaient comme édoigtées, terminées par des sortes de boudins noirs informes, la
bouche gardée par des sentinelles isolées , la peau du visage tannée par les
soleils ennemis , les cheveux avaient livré de nombreuses batailles .
Seul
témoignage de l’enfant qu’il fût, mince leurre d’espoir dans toute cette vie de
malheurs et de déchéances, comme une aberration dans le sordide, un regard clair,
un regard enfantin, le regard de l’enfant qu’il fût il y a longtemps.