ECRIRE Y CROIRE
Se mettre
devant la page blanche et faire courir ses doigts sur le clavier, ne pas
laisser tranquilles les lettres soigneusement rangées , se dire qu’il en
sortira bien quelque chose, écrire n’importe quoi mais écrire, écrire sans se
soucier du qu’en lira-t-on du qu’en pensera-t-on, écrire pour ne pas dépérir
devant les mots des autres , les autres tellement plus talentueux, tellement
plus érudits, tellement tout plus que lui piteux petit père englué dans la
nasse de son inculture, petit vieux luttant désespérément contre le courant du temps
qui le vide un peu plus chaque minute. Ecrire pour ne pas renoncer, écrire
juste pour se faire croire qu’encore un peu il existe même pour quelques bonnes
âmes charitables, écrire sans se relire, sans chercher à plaire et complaire,
écrire comme si demain il était trop tard, écrire pour y croire, écrire et
jeter ses mots comme un naufragé, écrire et se dire qu’un bateau ami se
déroutera bien pour voir si la coquille n’est pas vide et s’il y a encore quelque
chose à lire.