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J’ai 85 ans et
je viens d’écrire mon trois millièmes post. Il y a bien longtemps déjà que j’ai
quitté ma ville en Trans , j’ai trouvé refuge sur la côte bretonne quelque part
entre la couronne usée d’un vieux Gradlon fatigué et la promenade au clair de
lune . Oui je sais ce n’est pas très précis, mais j’ai envie de rester
tranquille dans mon entre deux.
Mamy me serre
toujours de près, cette certitude qu’un jour je croiserai quelqu’un n’a cessé de l’accompagner, une autre mieux
qu’elle, une autre à mon niveau dit-elle. Il ne lui suffit pas que je sois enchaîné
à mon pécé , mes doigts hagards parcourant avidement le clavier à la recherche
éperdue d’un bon mot, d’un mot rare à défaut de curare, il ne lui suffit pas
que je sois soudé à ce maudit fauteuil qui accompagne mes journées et mes nuits
blanches d’idées tortueuses et torturées . Non il ne lui suffit pas, elle
attend patiemment derrière la haie de thuyas moqueurs l’impétrante qui viendra
lui prendre son gnome, la serpette à la main gauche, le taille-rivale affûté
dans la main droite, le couteau entre les dents et la tronçonneuse dans l’autre
main, hé oui Mamy n’a pas quatre bras mais pas loin et moi pendant ce temps
j’aigris sur le clavier de mes ressentiments.
Le trois
millièmes post pour la dernière salve d’un blogueur solitaire soliloquant dans
le désert des mots, quitter la scène, appuyer sur la touche supprimer, juste
une toute petite lumière terne qui s’éteint, un pharaonnet dérisoire et
pitoyable en moins, plus rien à raconter, juste se coucher, attendre ce grand
con d’Ankou qu’a encore dû se perdre en route.
Un pied dans
le cimetière des blogueurs je vois défiler ma vie, ces premiers pas hésitants,
cette petite voix mal assurée, les premiers commentaires, Pink devenu médecin
célèbre au pays de Djerba la fière, Hayyate qui a enfin mis le grappin dessus,
elle sait elle de quoi je parle et puis toutes ces voix qui se sont éteintes au
fil du temps félon mais qui ont marché un moment à côté de mes mots, apaisant
mes doutes, mettant du baume à l’âme de l’homme .
La Reine Coum a tiré le rideau de fer sur son dernier
atelier il y a déjà quelques années, après tant de décennies de don à l’autre,
il faut dire que cela fait déjà bien longtemps que les blogs sont morts et enterrés,
les mots n’existent plus, tout est allé si vite, trop vite, mes arrière-petits-enfants se moquent gentiment de ma drôle de machine et des hirsutes
caractères qui s’affichent sur mon écran dinosaurial, bien longtemps que ce langage
là est oublié.
Manset est mort,
on est mal animal.
Avec quelques
autres nous essayons de maintenir contre le règne absolu et despotique de
l’image nos pauvres mots, armes dérisoires et vitales .Coum se fend parfois
d’un billet comme au bon vieux temps des coquelicots. Pendant ce temps, pestant
contre son portable valétudinaire Laouen nous gratifie d’un écrin de mots et de
photos de la Forêt Noire. Si vous croisez une petite vieille avec son sac de 60
l , du coté du Glaswaldsee jurant à la nuit tombée sur ce putain de pécé, criez
lui Face au vent, elle comprendra si vous le criez assez fort .
.
Et toi Lliane ,
il y a longtemps déjà tu as franchi le pas, tu as franchi le rideau de la
virtualité, je sais que tu es heureuse,
apaisée enfin, digne petite vieille indigne à qui un amant attentionné
confectionne des poèmes qui riment avec amour . Tu as franchi le pas au milieu des sarcasmes
des gens bien pensant, la tête haute fière et déterminée, belle dans le regard
du poète.
Mamy dès le
premier post mythique a une cette certitude de la rencontre inéluctable, elle
avait finalement raison, j’en ai fait des rencontres lumineuses et si j’ai un peu donné de bonheur, si j’ai un
peu fait sourire, voire rire, voirre se tordre de rire, voirrre mourir de rire,
j’ai beaucoup reçu, infiniment reçu.
Finir sur un
bon mot, un dernier pour la route pour clore en beauté ce post-hume.
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